Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/294

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tenue secrète il est vrai : ils se jettent avec ravissement au-devant du nouveau danger de la mort, parce qu’ils croient enfin avoir trouvé, dans le sacrifice pour la patrie, cette permission longtemps cherchée — la permission d’échapper à leur but : — la guerre est pour eux un détour vers le suicide, mais un détour avec une bonne conscience. Et, tout en taisant ici certaines choses, je ne veux cependant pas taire ma morale qui me commande : Vis caché pour que tu puisses vivre pour toi, vis ignorant de ce qui importe le plus à ton époque ! Place, entre toi et aujourd’hui, au moins l’épaisseur de trois siècles ! Et les clameurs du jour, le bruit des guerres et des révolutions ne doit te parvenir que comme un murmure ! Et, toi aussi, tu voudras secourir, mais seulement ceux dont tu comprends entièrement la peine, puisqu’ils ont avec toi une joie, et un espoir en commun — tes amis : et seulement à la façon dont tu prêtes secours à toi-même : — je veux les rendre plus courageux, plus endurants, plus simples et plus joyeux ! Je veux leur apprendre ce qu’aujourd’hui si peu de gens comprennent, et ces prédicateurs de la compassion moins que personne : — non plus la peine commune, mais la joie commune !

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Vita femina. — Voir la dernière beauté d’une œuvre — toute science et toute bonne volonté n’y suffisent pas ; il faut les plus rares, les plus heureux hasards pour que les nuées s’écartent de ces som-