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Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/295

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mets pour laisser briller le soleil. Il faut non seulement que nous nous trouvions exactement au bon endroit, mais encore que notre âme elle-même ait écarté les voiles de ses sommets et ressente le besoin d’une expression et d’un symbole extérieur, comme pour avoir un arrêt et se rendre maîtresse d’elle-même. Mais tout cela se trouve si rarement réuni que je serais prêt à croire que les plus hauts sommets de tout ce qui est bien, que ce soit l’œuvre, l’action, l’honneur, la nature, sont restés pour la plupart des hommes, même pour les meilleurs, quelque chose de caché et de voilé : — pourtant ce qui se dévoile à nous, se dévoile une fois ! — Il est vrai que les Grecs pouvaient prier : « Deux et trois fois tout ce qui est beau ! » — car ils avaient, hélas ! une bonne raison d’invoquer les dieux, car la réalité impie ne nous donne pas la beauté, et si elle nous la donne, ce n’est qu’une seule fois ! Je veux dire que le monde est gorgé de belles choses, et, malgré cela, pauvre, très pauvre en beaux instants et en révélations de ces choses. Mais peut-être est-ce là le plus grand charme de la vie ; elle porte sur elle, entrelacé d’or, un voile de belles possibilités, prometteuses, farouches, pudiques, moqueuses, apitoyées et séductrices. Oui, la vie est une femme !

340.

Socrate mourant. — J’admire la bravoure et la sagesse de Socrate en tout ce qu’il a fait, en tout ce qu’il a dit — en tout ce qu’il n’a pas dit. Cet attrapeur de rats et ce lutin d’Athènes, moqueur et