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Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/32

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place de Blanche, qui avait été l’unique préoccupation de sa vie.

Lucien de Sauvetat était le fils d’un officier supérieur, qui avait quitté la France après avoir perdu sa femme, enlevée à son affection lorsque Lucien avait dix ans.

Le colonel Pierre de Sauvetat était alors parti en Afrique demander à la vie agitée des camps l’oubli de son grand chagrin.

Il avait laissé son fils à Paris, confié à des amis qui surveillaient ses études, tandis que dans le Gers ses grandes propriétés étaient louées à des fermiers dirigés eux-mêmes par son beau-frère, M. Descat.

Après un temps assez long passé là-bas et de brillants services rendus pendant cette difficile conquête, M. de Sauvetat nommé général, avait fini par commander la subdivision d’Oran.

Par une singulière bizarrerie de caractère qu’on ne s’expliquait pas, il n’avait jamais voulu revoir la France ; mais en revanche, il avait souvent fait venir son fils auprès de lui, surtout depuis que le jeune homme avait terminé ses études.

Lucien, à cette époque, gai, expansif, heureux, passait l’hiver à Paris et l’été dans son vieux château d’Armagnac, auprès de son oncle, Urbain Descat, nouvellement marié ; mais le rêve de ses jours et de ses nuits était le moment où le général l’appelait près de lui, dans sa province d’Oran. Ces deux mois pendant lesquels il vivait avec les jeunes lieutenants, campé sous la tente, chassant avec eux le lion et le tigre, lui composaient une existence de délices.

Maintes fois, il avait voulu demeurer avec M. de Sauvetat :

— Laissez-moi m’engager, lui disait-il ; il ne m’en coûtera pas de porter le sac et le fusil du simple sol-