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Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/33

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dat, si je dois ne pas vous quitter. Là-bas, dans nos grandes villes, on meurt d’ennui et de désillusions, ici au contraire on respire la franchise, l’honneur, la loyauté, ici on est utile à son pays.

Le général souriait étrangement en entendant son fils parler ainsi, il lançait alors un regard tout plein de mystères à travers l’espace, et avec un profond soupir :

— C’est impossible, ce que tu demandes là, répondait-il à Lucien. Tu serviras ton pays autrement ; tu resteras dans cette chère Gascogne, où tu trouveras une belle jeune fille, qui deviendra ta femme et te rendra heureux ; avec ta fortune et ton nom, tu feras du bien autour de toi.

Le général menait en Afrique une vie d’activité et de mouvement continuels. Toujours à cheval, sans cesse au milieu de ses soldats et de ses officiers, lorsque la division ne partait pas en colonne pour aller apaiser un de ces soulèvements si fréquents au début de la conquête, il faisait lui-même de longues reconnaissances pour étudier le pays nouveau et l’état des esprits qu’il était chargé de pacifier.

Un jour, au retour d’une tournée d’inspection, le général se mit au lit ; une fluxion de poitrine se déclara ; peu de temps après, il rendit le dernier soupir entre les bras de son fils, arrivé juste à temps pour avoir la triste consolation de fermer les yeux à son père.

Rien ne saurait rendre la désolation du jeune homme. Il passa quinze jours sur la terre d’Afrique, auprès de cette tombe qu’il ne voulait pas quitter et qui, d’après la volonté expresse du général, devait demeurer dans le pays qu’il avait aidé à conquérir.

Enfin il partit ; il voyagea, il parcourut le monde, l’Amérique surtout, essayant ainsi de distraire son désespoir.