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l’angle des rues allemandes. L’or se gonfle comme les humeurs d’un abcès dans les réservoirs américains et français. Les gardes mobiles cabrent leurs chevaux devant les barricades des Longues Haies. Les policiers entassent dans leurs camions les chômeurs qui assombrissaient l’esplanade des Invalides. Les banques s’effondrent comme des quilles. Les foules de l’Inde trouvent à redire à la puissance de l’Empire et aux matraques de ses policiers. Les chiffres de vente des magasins de luxe baissent comme le nombre des automobiles américaines. Les paysans d’Andalousie tiennent la terre sous le feu des avions socialistes. Des milliers d’hommes se battent à Glasgow. Les marins de la flotte de l’Atlantique chantent le Drapeau Rouge. Il y a des promesses de révolte sur plusieurs points inquiétants de la terre. Les foules annamites endureront-elles longtemps les assassins payés par la Démocratie ? Des conciliabules inutiles se tiennent entre les envoyés des nations. Les obus japonais incendient les villages chinois. Quelques-uns commencent à trouver séduisant le visage de la guerre. Les fabricants d’armes prennent des commandes.

Dans cette atmosphère de maladie, des hommes réfléchis, de ces hommes qui commandent essayent de retrouver cette ancienne santé et leur ancien confort et cette ancienne assurance du lendemain qu’ils nommaient civilisation de l’Occident. Ils font des livres et des rapports, ils prononcent des sermons, ils convoquent des conférences et des parlements et ils expliquent presque tout ce qui se passe par diverses folies guérissables et par diverses opinions fausses et redressables des hommes. Ils pensent qu’à l’orgueil doit succéder la modestie, à la dépense l’économie. Le désordre a renversé la sérénité et la sûreté des pouvoirs spirituels. Les pouvoirs recherchent ce bien-être perdu.