Page:Noailles - L’Ombre des jours, 1902.djvu/51

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On vivait noblement, ayant l’esprit si droit
Que la haute pensée y marchait sans courbure,
Les jours étaient petits et prompts, le rêve étroit
Mettait autour du temps son cercle et sa bordure ;

Et voici que le soir n’arrive plus si tôt,
Qu’une molle blancheur s’étire au crépuscule,
Qu’on entend au jardin le bruit doux des râteaux,
Et qu’un malaise clair dans les chambres circule.

C’est déjà, sourdement sous l’herbe et dans les bois
L’impétueux réveil des dieux chauds et vivaces
Qui ramènent, noues ensemble, les trois mois
D’impatient plaisir, de tumulte et d’audace

Alors chez les humains, le sage, l’orgueilleux,
Ceux qui goûtaient le plus la science et le livre
Viendront imprudemment vers l’été périlleux
Et pleureront d’espoir et du désir de vivre.