Page:Noailles - La Nouvelle Espérance, 1903.djvu/24

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Sabine ne le connaissait pas et n’avait point fait attention à lui, malgré le beau caractère de son visage. Elle restait et riait entre les quelques jeunes gens de son âge.

Après le dîner, ce soir-là, des chansonniers qui allaient de ville en ville, et colportaient par toute la France la même mélodie, s’étaient arrêtés au château. Dans le salon en boiserie, tendu de toiles de Gênes, sous les lampes suspendues au plafond, ils chantèrent… Ils jouaient du violon et de la guitare et soupiraient des couplets tristes et passionnés, poésie naïve où il y avait du soleil et des amoureuses, vus par des artistes qui n’ont pas d’argent et qui boivent.

Sabine écoutait ; elle aspirait la musique par saccades, avec ces secousses du regard, ce fin battement des narines, qui sont comme les mouvements de la soif et semblent emplir et désaltérer une âme ouverte et chaude. Embuée de vertige, elle se retourna distraitement, et elle rencontra les yeux embusqués et têtus de Fabien, depuis longtemps sans doute posés sur elle.

La musique ayant cessé, l’Italien se leva et s’approcha de la jeune fille ; ils causèrent. Les choses