Page:Noailles - La Nouvelle Espérance, 1903.djvu/52

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des larmes, – voilà, c’est que tu ne comprends pas combien je t’aime. Je t’aime pour tant de choses, et, en plus de tout, pour cette idée que tu es mon mari, que tu es tout ce que j’ai et que j’aurai, que l’on ne peut pas avoir deux hommes dans sa vie… Cela me donne pour toi une tendresse si profonde, si merveilleuse, l’idée que tu es tout, que tu es tout…

Plusieurs fois, pendant ces mois d’avril et de mai, ils allèrent seuls l’un et l’autre, secrètement, se cachant des curiosités de leurs amis, dîner dans de petits cafés de Paris, où flottait une odeur basse d’alcool et de tabac, et dans les restaurants du Bois de Boulogne, pleins de lumière et de gens.

Henri, content, buvait et mangeait bien, s’enorgueillissait de la beauté de sa femme et de la solitude qu’elle choisissait avec lui. Sabine rêvait, étourdie par ces feux vifs des cabarets qui font cligner les âmes, déchirée par la musique tzigane dont l’âpre cinglement éparpillait ses désirs au vent du soir.

Tandis que son mari fumait, buvait lentement la liqueur et le café, elle s’accoudait aux terrasses.