Page:Noailles - La Nouvelle Espérance, 1903.djvu/53

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La fraîcheur de l’ombre tombait sur ses épaules. L’heure de la nuit, qui ulule et se lamente, l’accablait, au creux de son âme, d’un bonheur misérable.

L’aspect du soir, la buée d’argent la dépaysait, lui cachait dans le souvenir la bonté de sa maison, le visage de l’habitude. Elle songeait, et peu à peu, libérée de toute conscience, de toute mémoire, elle s’abandonnait à l’inconnu.

Dans l’ombre douce de la nuit, elle ne voyait plus clairement les points fixes de son destin présent. Elle ne voyait plus que son âme d’où montait vers la lune blanche le terrible instinct du bonheur ; et Henri, paisible près d’elle, ne s’inquiétait pas de ce visage violent, tiré par l’émotion comme par la fièvre, et malade de vie…

Au retour de ces promenades, accueillie par sa chambre familière, elle se refaisait près de son mari un peu de contentement, une langueur tendre, cramponnée et dominante, qu’en souriant bonnement il endormait sur son cœur.

Un matin qu’elle regardait par sa fenêtre le Paris végétal qu’elle habitait, tout étincelant et attendri