Page:Noailles - La domination, 1905.pdf/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
LA DOMINATION

difficile vie, ici elle devient molle et fière, et se ferait porter par des mains patriciennes.

Ils marchent sous des voûtes de vignes, sous des voûtes de rosiers. L’espace est comme un doux visage fardé de poudre bleue. Quel azur, et quel jardin pâmé ! Des roses et des roses ! Entassées, oppressées, vives, décolorées, épuisées, se gênant les unes les autres, se prenant leur air et leur vie, s’empoisonnant, s’affamant, ne pouvant dans ce peu de terre subsister toutes, si folles et si nombreuses, elles sont là qui règnent et qui meurent. Leur parfum est tel, que la couleur et l’arome se mêlant, l’air semble rose, tout devient rose par ces roses…

Et voici les cloches molles des digitales, où, adroit et ardent, le lourd bourdon s’enfonce et tremble de volupté.

La jeune compagne d’Antoine sourit de la douceur que lui fait éprouver tout ce fécond jardin.