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LA DOMINATION

Que mon âme qui depuis trois mille ans garde ton culte champêtre voie luire cette nativité ! Tous les poètes, et, mon cher Pan, il est beaucoup de poètes, t’attendent dans les jardins ; ne les crois pas lorsqu’ils se pensent mystiques et convertis aux religions de Judée. S’ils disent que leur âme est altérée de mystère, c’est parce qu’ils te cherchent et qu’ils ne t’ont point trouvé. Ah ! qu’un matin de Pâques, quand sur les villes chrétiennes les cloches danseront, vaines poupées de métal, la forêt enfin se ranime ! que l’aulne entende revenir sa nymphe aux jambes mouillées, que les bergers s’élancent, que le bouc et la biche resplendissent au soleil, et que, plus haut que les cloches d’argent sur les villes, tout le feuillage chante : Pan est ressuscité !… »

Mais Elisabeth savait bien que cette exaltation n’habitait qu’une partie de son cœur. La lune romantique éclairait l’autre moitié.