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LA DOMINATION

ma tristesse et ma bouche, je vous ai, ah ! je vous ai ! Non pour ma vie, non pour toujours, mais pour une heure, mais pour une nuit. Cela suffit. Une nuit pour que je saccage mon rêve ! Une nuit pour me gorger, pour me lasser de vous ; pour que meure en moi jusqu’à la racine de ce désir ; une nuit pour te voir comme tu es, faible, pâli, vieilli, ô mon amour, ô dieu terrible de mon souvenir !… Ah ! une nuit pour que je te goûte encore, et que délivrée, que délivrée enfin, je puisse dire : « J’ai revu Antoine Arnault, il n’est plus comme autrefois. Sainte Marie, je vous adore et je vous loue, il n’est plus comme autrefois… »

Elle le frappait et elle se frappait elle-même, exténuée, et Antoine ne savait pas s’il voulait dédaigner ou écraser ce délire…

Mais comme une âme s’élance et expire sur une autre âme, elle reprenait, vindicative :