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LA DOMINATION

nent vers toi. La beauté, Élisabeth, la beauté ! Ils seront beaux et tu trembleras sur eux, tu t’attacheras sur eux comme une plante avec des racines, pour goûter, pour boire, pour respirer la beauté… Choisis plutôt de mourir, suppliait-il ; sois une morte inviolée, une fleur lisse où nul plaisir n’a rampé ; il faut avoir honte du plaisir, ô reine ! Le plaisir des jeunes hommes monte et descend sur l’orgueil comme une eau qui s’enfonce et ravine. Tu ne serais plus toi-même, ô unique, tu serais celui-là, et celui-là, et le souvenir de celui-là…

Mais la jeune fille, inclinée, chancelante, rose qui a reçu tout l’orage, d’une voix ivre et basse disait :

— Qu’importe ? aimez-moi ; j’ai bu d’un vin trop fort, aimez-moi. Voici le jour du destin. Aimez-moi, aimez-moi, répétait-elle, comme quand le silence et l’angoisse des oiseaux, dans les nuits chaudes ; soupirent :