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LA DOMINATION

« Morts, je suis maintenant plus proche de vous que de ceux qui vont naître. Ô morts familiers, ô ma famille indistincte, j’entends quel travail vous défait, encore quelques années et je viens ! Mon amie, continuait doucement Antoine, — car il n’avait pour la jeune fille que de la gratitude, — vos petites mains, en serrant la mienne, ne peuvent m’entraîner dans ces ondes lumineuses où, ma chère âme, vous brillez. Vous êtes cruelle et divine, parce que vous avez vingt ans. Vous ne pouvez rien voir autrement que par vos yeux enivrés ; toutes les créatures, moi, la douleur, et le mendiant si vous le rencontrez sur le chemin, vous apparaissent toujours légers, joyeux, vivants, mêlés à votre cher Cosmos. Mais moi, je sais maintenant le sens des mots profonds, je sais ce que veut dire le passé, le déclin et la fin, ce que veut dire l’ombre froide ; je sais les instants de la vie où, fatigué, s’asseyant entre