Page:Noailles - Les Éblouissements, 1907.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
LES ILES BIENHEUREUSES

S’asseoir près d’un étang et d’un petit talus,
Contempler le clocher de pierre,
Et lorsque le soir vient, écouter l’angelus
Avec Bernardin de Saint-Pierre.

Quand la nuit aux rayons d’argent irradiés
Fait rêver de pirateries,
Diner sous les gommiers et sous les muscadiers
Dans un jardin des Canaries.

Et puis soudain, hardi, tenir le gouvernail
Sur la frégate « La Colombe »
Voir la mer du Bengale et la mer de Corail
Où le soleil de juillet tombe ;

Visiter une ancienne et rustique maison
Près du cap de Bonne-Espérance,
Humble demeure où git la défunte saison
Du roi Louis quinze de France :

Meubles en bois de rosé et d’orme posés là
Par des voyageurs, dans la case,
Vieux cartel vert et blanc, odeur de falbala,
Tulipes peintes sur un vase ;

Petit livre fané de Denis Diderot,
Laissé dans la véranda blanche
Par quelque adolescent en feu, qu’oppressait trop
La paix torride du dimanche.