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L’OCCIDENT


Le ciel est un flottant azur, jour sans pareil !
L’air d’or semble la tiède haleine du soleil,
On respire, sur tout l’éclatant paysage,
Une odeur de plaisir, de départ : ô voyage,
Ô divine aventure, appel des cieux lointains !
Presser des soirs plus beaux, baiser d’autres matins,
Se jeter, les yeux pleins d’espoirs, l’âme enflammée,
Dans le train bouillonnant de vapeur, de fumée,
Et qui, dans un parfum de goudron, d’huile et d’eau,
Rampe, et pourtant s’élève aux cieux comme un oiseau !
Un arbre est près de moi ; les ombres du feuillage
Se balancent, et font un noir et mol grillage
Sur mes bras engourdis, sur ma bouche et mes yeux ;
C’est un harem mouvant, léger, délicieux !
Je suis, rayée ainsi par l’ombre du platane,
Une captive, ardente et languide sultane.
Mais de si doux loisirs n’apaisent pas le sang :
Partir prendre le train qui siffle en bondissant !