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COMPONCTION


J’ai mis mon cœur avec de jeunes morts naguère,
Mais comment vous parler, soldats morts dans la guerre,
Immensité stoïque et gisante, par qui,
À votre exclusion, tout bien nous fut acquis ?
— Un million de morts, et chaque mort unique :
Un mourant, sa fierté, sa foi, son dénûment,
Sa pitié de soi-même à son dernier moment,
Cette acceptation secrète et nostalgique,
Et l’univers humain qui s’évade d’un corps
Comme un vol effrayé de fuyantes abeilles !
Les leçons de Virgile et celles de Corneille,
Les horizons, l’orgueil, le plaisir, les efforts,
L’espérance, tout est abattu lorsque tombe
Un de ces beaux vivants qui désigne sa tombe
Et la creuse, étendu, de la tête aux talons…
— Avons-nous vraiment dit parfois : « Le temps est long »