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RENONCIATION

J’ai tout aimé, tout vu, tout su ; la turbulence
M’aurait fait marcher sur les flots,
Tant le suprême excès a le calme et l’aisance
Des larges voiles des vaisseaux !

Le plaisir, — c’est-à-dire amour, force, prière, —
Eut en moi son prêtre ébloui ;
Je ne puis accepter de tâche familière,
J’étais vouée à l’inouï !

Je ne peux pas vouloir que toujours se prolonge
Un chemin qui va décroissant ;
Le réel m’offensait, la tempête et le songe
Secouraient mon âme et mon sang.

Certes, j’ai bien aimé la raison, haute et nette,
Elle fut mon rocher rêveur ;
Mais ayant soutenu ses volontés secrètes,
Je cède ma force à mon cœur.

— Beau ciel d’un jour d’automne, où vraiment rien n’espère,
Ni l’azur froid, ni l’air peureux.
Accueillez dans le deuil calme de l’atmosphère
Mon chagrin candide et fougueux !