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LA NATURE ET LE POÈTE

Éperdue et cherchant où baiser ton visage,
Je voyais s’isoler tes brillants paysages,
J’ai pleuré sur un cœur mortel ;

Sur ce si faible appui, dont la chaleur contente,
Je regardais vers toi, suprême confidente
D’un rêve immense et suffocant ;
J’espérais de mourir parmi les cantilènes
Que le désir humain, fougueux et hors d’haleine,
Emprunte à tes grands ouragans !

Je voyais bien tes soirs de juillet, chauds et pâles,
Le croissant délicat qui, dans l’air, s’intercale
Comme une barque peinte en blanc ;
Mon oreille et mes yeux se remplissaient d’extase,
Et je contemplais l’être en qui l’amour transvase
La beauté d’un soir calme et lent.

Je répandais sur lui, qui respire et qui rêve,
Ton infini passé, l’avenir, et la sève
De tes printemps toujours naissants,
Et refermant mes bras sur ce profond mensonge,
J’étais comme un oiseau précipité, qui plonge
Et s’abreuve au fleuve du sang !

Mais, hormis ces moments de suave incendie
Où la bonté de feu joint deux âmes hardies,
Fumantes comme un paquebot,