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LA NATURE ET LE POÈTE


Mon espace sans borne où sont rangés les siècles
S’est offert dès l’enfance à tes yeux de jeune aigle,
Tu savais tout ce qu’on apprend ;
On voyait ma grandeur réduite en tes prunelles,
Ô toi qui ressemblais aux choses éternelles,
D’où te vient ce regard souffrant ?

Je t’avais faite insigne, éparse et solitaire,
Les rumeurs de la foule et la paix de la terre
Se plaçaient gaiement sous tes mains ;
Mon soleil descendait en toi au crépuscule,
Par quelle lassitude ou bien par quel scrupule
As-tu voulu posséder moins ?


LE POÈTE

Ne me méconnais pas, Nature juste et bonne,
Se peut-il que t’ayant aimée on t’abandonne,
Hélas ! j’ai voulu t’approcher
Plus que ton vaste amour ne le conçoit sans doute,
Ni tes suaves cieux, ni tes flots, ni tes routes,
Ni le vent clair sur tes rochers

N’ont permis à mes vœux d’atteindre ton essence,
En vain je recevais tes hautes confidences
Et ton élan universel ;