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LAMENTATION


Je vivrai, les regards enchaînés sur l’abîme
Creusé sans fin par ce qui meurt ;
Je verrai l’univers comme on regarde un crime,
Avec des soubresauts de peur,

Je ne chercherai plus quel rang occupe l’homme
Dans ce chaos vaste et cruel,
Je ne bénirai plus, le front baissé, la somme
De l’inconnu universel,

— Et cependant, l’espace éclatant et sans borne,
mon timide ami me semblerait étroit,
Si je sentais encor, au fond de mon cœur morne.
Brûler ma passion pour toi !

Avril 1915.