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syracuse

Au port, de verts fanaux s’allumaient sur les mâts.
Et l’instant semblait fier, comme après les combats
Un nom chargé d’honneur sur une jeune tombe.

C’était l’heure où tout luit et murmure plus bas…

La fontaine Aréthuse, enclose d’un grillage,
Et portant sans orgueil un renom fabuleux,
Faisait un bruit léger de pleurs et de feuillage
Dans les frais papyrus, élancés et moelleux…

Enfin ce fut la nuit, nuit qui toujours étonne
Par l’insistante angoisse et la muette ardeur.
La lune plongeait, telle une blanche colonne,
Dans la rade aux flots noirs, sa brillante liqueur.

Un solitaire ennui aux astres se raconte ;
Je contemplais le globe au front mystérieux,
Et qui, ruine auguste et calme dans les cieux,
Semble un fragment divin, retiré, radieux,
De vos temples, Géla, Ségeste, Sélinonte !

— Ô nuit de Syracuse : Urne aux flancs arrondis !
Logique de Platon ! Âme de Pythagore !
Ancien Testament des Hellènes ; amphore
Qui verses dans les cœurs un vin sombre et hardi,
Je sais bien les secrets que ton ombre m’a dits.