Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/198

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Où, le soir, on entend dans l’herbage fiévreux
Ce long hennissement qui montrait à Virgile,
Ébloui par son rêve immense et ténébreux,
Apollon consolant les noirs chevaux d’Achille…

— Ces rivages de marbre embrassés par les flots,
Où les mânes des Grecs ensevelis m’attirent,
Je ne les ai connus que comme un matelot
Voit glisser l’étendue au bord de son navire ;
Ce n’était pas mon sort, ce n’était pas mon lot
D’habiter ces doux lieux où la sirène expire
Dans un sursaut d’azur, d’écume et de sanglot !
Loin des trop mols climats où les étés s’enlisent,
C’est vous mon seul destin, vous, ma nécessité,
Rivage de la Seine, âpre et sombre cité,
Paris, ville de pierre et d’ombre, aride et grise,
Où toujours le nuage est poussé par la brise,
Où les feuillages sont tourmentés par le vent,
Mais où, parfois, l’été, du côté du levant,
On voit poindre un azur si délicat, si tendre,
Que, par la nostalgie, il nous aide à comprendre
La clarté des jardins où Platon devisait,
La cour blanche où Roxane attendait Bajazet,
La gravité brûlante et roide des Vestales
Qu’écrasait le fardeau des nuits monumentales ;
La mer syracusaine où soudain se répand
— Soupir lugubre et vain que la nature exhale, —