Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/205

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Dans Géla, sous la terre heureuse de Sicile.
Je songe à ces déserts où florissaient des villes ;
À cet entassement de siècles et d’ardeur
Que le soleil toujours, comme un divin voleur,
Va puiser dans la tombe et redonne à la nue.
Je songe à la vie ample, antique, continue ;
Et à vous, qui marchez près de moi, et portez
Avec moi la moitié du rêve et de l’été ;
À vous, qui comme moi, témoin de tous les âges,
Tenez l’engagement, plein d’un grave courage,
De bien vous souvenir, en tout temps, en tout lieu,
Que l’homme en insistant réalise son Dieu,
Et qu’il a pour devoir, dans la Nature obscure,
De la doter d’une âme intelligible et pure,
De guider l’Univers avec un cœur si fort
Que toujours soit plus beau chaque instant qui se lève ;
Et d’écouter avec un mystique transport
Les sublimes leçons que donnent à nos rêves
L’infatigable voix de l’amour et des morts…