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Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/212

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Teinté de sombre argent, un cèdre contourné
A le tumulte obscur d’un nuage enchaîné
Qui roule sur l’éther sa foudre ténébreuse…
Et l’ombre vient, luisante, épandue, onctueuse.
Les montagnes sur l’eau pèsent légèrement ;
Tout semble délicat, plein de détachement,
On ne sait quelle éparse et vague quiétude
Médite. Un clair fanal, douce sollicitude,
Égoutte dans les flots son rubis scintillant.
— Ô nuits de Lamartine et de Chateaubriand !
Vent dans les peupliers, sources sur les collines,
Tintement des grelots aux coursiers des berlines,
Villages traversés, secrète humidité
Des vallons où le frais silence est abrité !
Calme lampe aux carreaux d’une humble hôtellerie,
Bruit pressé des torrents, travaux des bûcherons,
Vieux hêtres abattus dont les écorces font
Flotter un parfum d’eau et de menuiserie,
Quoi ! j’avais délaissé vos poignantes douceurs ?
Retirée en un grave et mystique labeur,
Le regard détourné, l’âme puissante et rude,
Je montais vers ma paix et vers ma solitude !

— Nature, accordez-moi le plus d’amour humain,
Le plus de ses clartés, le plus de ses ténèbres,
Et la grâce d’errer sur les communs chemins,
Loin de toute grandeur isolée et funèbre ;