Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/221

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Tout effort est dans l’ombre oisive relégué.
Les parfums engourdis et compacts, interceptent
La circulation des zéphyrs fatigués.

Il semble que mon cœur soit plus soumis, plus sage ;
Je regarde la terre où s’entassent les âges
Et la voûte du ciel, pur, métallique et doux.
Se peut-il que le temps ait, malgré mes courroux,
Apaisé mon délire et son brûlant courage,
Et qu’enfin mon espoir se soit guéri de tout ?

La lune éblouissante appuie au fond des nues
Son sublime débris ténébreux et luisant,
Et la nuit gît, distraite, insondable, ingénue ;
Son chaud torrent sur moi abondamment descend
Comme un triste baiser négligent et pesant.

Deux étoiles, ainsi que deux âmes plaintives,
Semblent accélérer leur implorant regard.
L’univers est posé sur mes deux mains chétives ;
Je songe aux morts, pour qui il n’est ni tôt, ni tard,
Qui n’ont plus de souhaits, de départs, ni de rives.

Que de jours ont passé sur ce qui fut mon cœur,
Sur l’enfant que j’étais, sur cette adolescente
Qui, fière comme l’onde et comme elle puissante,
Luttait par son amour contre tout ce qui meurt !