Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


L’ÉVASION


Libre ! comprends-tu bien ! être libre, être libre !
Ne plus porter le poids déchirant du bonheur,
Ne plus sentir l’amère et suave langueur,
Envahir chaque veine, amollir chaque fibre !

Libre, comme une biche avant le chaud printemps !
Bondir sans rechercher l’ardeur de la poursuite,
Et, dans une ineffable et pétulante fuite,
Disperser la nuée et les vents éclatants !

Se vêtir de fraîcheur, de feuillage, de prismes,
S’éclabousser d’azur comme d’un flot léger ;
Goûter, sous les parfums compacts de l’oranger,
Un jeune, solitaire et joyeux héroïsme !

— À peine l’aube naît, chaque maison sommeille ;
L’atmosphère, flexible et prudente corbeille,
Porte le monde ainsi que des fruits nébuleux.
On croit voir s’envoler le coteau mol et bleu.
Tout à coup, le soleil, ramassé dans l’espace,