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Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/95

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la passion


Non, nous ne voulons pas, ayant été la flamme
Dont le sommet s’arrache et vole vers le ciel,
Cesser d’être le lieu du sacre essentiel
Qui, d’un corps foudroyé, fait une plus grande âme.

Nous voulons demeurer ce Dieu crucifié,
À qui, sous un ciel bas, les avenirs répondent,
Et qui, les pieds saignants et pendants sur les mondes,
À quelque immense espoir s’est pourtant confié !

Non, nous ne voulons pas renoncer à ces heures
Où, chargés de transmettre et goûter l’infini,
Nous sommes l’inconnu, transfiguré, béni,
Par qui la race éparse et future demeure…

— Que tout vous soit soumis, divine passion,
Prenez les dieux, les morts, les vertus, les victoires,
Les instants radieux ou blessés de l’histoire,
Pour bâtir jusqu’aux cieux vos réclamations !

Passion qu’un orchestre invisible accompagne,
Où, fondu comme l’or bouillant dans les enfers,
Le cœur liquide et chaud dans un autre se perd,
Comme l’eau du printemps s’arrache des montagnes.