Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/229

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qu’ils lui soupçonnent des retours d’énergie. L’homme restera toujours la proie de l’homme.

J’eus l’impression que la créature que j’avais devant les yeux avait dû, soumise à de sévères procédés, beaucoup souffrir.

Le prêtre s’arrêta, réfléchit, comme s’il accueillait dans son silence aux ondes prolongées toutes les âmes que la destinée harcèle.

Il n’y avait pas chez cette femme, reprit-il, pourtant si violente, et qui parlait avec une libre véhémence que j'appellerais tempétueuse si elle n’eût été ordonnée, - il n’y avait pas, pour ceux qui lui infligeaient un supplice spirituel dont je voyais les effets, la moindre apparence de haine. La nature, ayant dû affaiblir quelque chose dans cette âme, y avait aboli le sentiment de vengeance. Elle jugeait, réprouvait, plaignait ceux qui, en la blessant tant, avaient scandalisé à la fois son esprit et son cœur, mais elle ne savait pas les haïr.

Elle me dévoila donc que son mari, prenant prétexte de l’émotion qu’elle avait ressentie à l’occasion d’un léger accident de chasse survenu à son ami, avait laissé éclater soudain une jalousie frénétique, récente, mal expliquée, d’autant moins autorisée qu’il trahissait sa compagne, et refusait d’entendre ses explications.