Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/235

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éprouvé pour son jeune parent, et qu’elle lui avait témoigné, n’avait jamais été au delà des innocentes confidences d’une cruelle journée où sa solitude avec lui, ses pleurs effrénés, leurs mains liées, leur chaste et douloureuse étreinte lui avaient révélé obscurément l’étendue de son désir.

Elle était donc sincère lorsque, m’ayant fait appeler en été, elle m’avait affirmé la pureté de sa conduite vis-à-vis de cet homme ; mais alors elle déclara qu’au moment où, dans cette entrevue, je lui adressais une interrogation nette et brutale concernant son amour, elle avait senti sa convoitise combattue devenir si forte, si totale, que la seule vision qu’elle avait eue de l’union coupable que je soupçonnais quand je lui demandais si cet homme était son amant, l’avait précipitée dans une rêverie d’une violence et d’une précision telles, qu’elle n’avait pu ni voulu s’en arracher, qu’elle avait conçu à cet instant-là le souhait et l’accomplissement de l’union désirée, au point d’accepter comme la réalité le véhément mirage qui venait de l’envahir et de la vaincre...

L’abbé de T*** se tut un instant, puis en manière de conclusion, il me dit : - J’ai bien souvent entendu juger les femmes ;