Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/236

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j’ai entendu juger cruellement celles-là surtout qui, tranchant sur la médiocrité à laquelle la nature s’applique, semble-t-il, et qu’elle tend à maintenir, possèdent ce don redoutable et sacré de la passion, le seul pourtant qui soit fertile. La passion ! dans son sens pur et ardent, mot divin, attaché au souvenir d’une sublime agonie ! - Oui, continua l’abbé de T*** cette femme passionnée avait, dans son faible corps que soutenaient les forces sagaces de la passion, trouvé naturellement le moyen de protéger et de sauver à la fois la sainte dignité des femmes, l’homme qu’elle aimait, le caractère et le renom de son mari, - et jusqu’à cette intime conscience, si scrupuleuse et si subtile, qui lui fit confondre le désir et le consentement moral de la faute avec la faute même. Et tout cela, elle le fit sans calcul d’intérêt, sans haine, sans espérance, mais par passion. - Je n’ai point rencontré, acheva mon interlocuteur, non jamais, de tels sentiments chez un homme.

L’abbé de T*** n’a pas su l’émotion que me causa ce récit, ni le regard dont je suivis ce soir-là sa haute silhouette, dont la sombre robe se mêlait à l’ombre noire des dattiers, sur les étroites allées de ciment rose de la voluptueuse