Page:Noailles - Passions et vanités, 1926.djvu/68

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gieuses le bol de soupe quotidien ; un autre mendiant venait faire panser une plaie, et si pure était la joviale netteté de ces lieux, que la corruption de la chair n’en altérait pas la juvénile et salubre candeur.

Un vieil ami de notre famille, dont la véhémente nature enchanta notre enfance, s’était fait notre guide religieux, tenace et emporté ; il avait vécu dans l’impénitence jusqu’à l’approche de la vieillesse et puis s’était jeté dans une dévotion violente, raisonneuse, pittoresque, inique, imperturbable. Nul n’aimait la musique plus que ce vieil ami, il vénérait Mozart à l’égal de saint Thomas, et eût renoncé peut-être à ses chances de paradis qu’il organisait avec âpreté, s’il eût pensé que Dieu n’était pas harmonie au moins autant que charité.

C’est ainsi qu’il contraignit un jour les Clarisses à établir dans leur monastère le plain-chant de Guy d’Arezzo. Ce nom nous émerveillait : messager d’Italie que du haut du ciel saint François envoyait aux filles de sainte Claire ! Rien n’était plus touchant