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LXXXIV


Il n’est pas vrai qu’on soit orgueilleux d’aimer tant,
              Et que d’un œil d’aigle on regarde
Les passants affairés, indifférents, contents,
              Noyés de lumière blafarde.

Il n’est pas vrai qu’un grave et poignardant amour
              Isole noblement le rêve ;
Nul ne dit les combats dont l’assaille sans trêve
              Le désir, conflit sombre et sourd !

Il n’est pas vrai que l’âme altière et transportée
              Bénisse son cruel fardeau.
Même si l’on paraît éblouie et hantée,
              L’on ne vit qu’en courbant le dos.

— Comment se réjouir d’avoir livré sa chance
              À l’étranger vague et secret
Qui, selon sa rieuse ou grave nonchalance,
              Nous emmêle à son sort distrait ?