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Page:Noailles Le Livre de ma vie.djvu/159

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CHAPITRE VIII


Mon amour de la foule. — Déjeuners dominicaux. — Désirs d’enfant. — Le corset et les liqueurs. — La silhouette. — L’embonpoint des sylphides. — De l’église russe à la chapelle espagnole. — Lucide mélancolie. — La promesse du Bosphore.



Le luxe amical et prodigue dans lequel, petite fille, je voyais mes parents et leur entourage se mouvoir développait rapidement chez moi, par l’observation et par de subites tristesses, le goût de la méditation, des groupements familiers, des repas pris dans l’intimité. Non pas que devaient m’abandonner le plaisir et la vigueur que me communiquèrent toujours les foules. J’ai aimé et j’aime l’agora. L’affluence humaine a pour moi un seul visage, un seul cœur, qu’il s’agit d’atteindre, de forcer, de convaincre. Attraction de la multitude, circulation sanguine étendue et unifiée, débats et triomphes sur le forum, moi, si souvent l’amie du silence, de la torpeur rêveuse et de la mort, je ne cesserai de vous louer et de me complaire à vos fêtes tumultueuses et fécondes ! Aussi, ai-je souvent pu rassurer des amis qui s’excusaient du nombre de leurs convives, dont ils