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LE LIVRE DE MA VIE

l’attaquaient, d’autres la voulaient défendre. On était pour ou contre la tour Eiffel. À son sujet, les discussions artistiques et scientifiques aboutirent à une querelle nationale, politique, sectaire. François Coppée était le chef brutal et intransigeant des ennemis du moderne campanile. Je n’avais encore lu de Coppée que des contes bourrus et larmoyants dans un livre d’étrennes qu’illustraient des croquis de la rue Rousselet et du quartier Mouffetard. J’avais admiré l’honnêteté, la bravoure, le désintéressement, les sacrifices toujours aimablement consentis des enfants plébéiens, les vertus de leurs parents courageux, nets, sobres et loyaux ; mais, bien vite, j’avais découvert les procédés littéraires du narrateur bourgeois, qui, confortablement établi dans une vie de plaisir, s’était voué à la description de l’artisan des faubourgs comme un Hollandais voluptueux cultive des tulipes. Pour François Coppée, l’azur d’un jour d’été évoquait un ciel en blouse bleue, et les lilas ineffables, merveille du printemps, lui représentaient le familier aphrodisiaque auquel succombe, sur l’herbe roussie des banlieues, la pudeur des modestes citadines. J’avais été plus touchée par quelques-uns de ses vers amoureux que j’entendais réciter, parmi lesquels celui-ci m’avait semblé bien hardi et bien beau :

Quelque chose comme une odeur qui serait blonde…