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Page:Noailles Le Livre de ma vie.djvu/25

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LE LIVRE DE MA VIE

moi, se mit à fleurir devant mes yeux et je la situai dans un jardin.

« Comment s’est organisée votre première leçon d’anglais ? » s’enquit, le soir, mon père ; et je répondis du fond du cœur, avec une sérénité où nul étonnement ne figurait plus : « Nous avons appris quelques pages de l’Histoire de France en anglais. »

La pensée que l’Angleterre avait une histoire comme la France, c’est-à-dire un long passé qui réunit entre eux des hommes, leur communique par le climat, la constitution physique, les usages, les préceptes, les victoires de tout ordre, un sentiment d’unité, d’orgueil et de supériorité inébranlables, n’aurait pu s’installer dans mon esprit. Exclusivité de l’amour chez l’enfant, fruit de la tendre, prudente et constructive ignorance !


Ce n’est cependant pas à mes leçons d’anglais, ni aux descriptions que ma mère me faisait des pelouses luxueuses de Hyde Park recouvertes de brebis avec leurs agneaux, que je dois une part de mon enchantement pastoral. Une gouvernante allemande traînait ma petite personne et mes petits pieds dans les allées ravissantes du jardin d’Amphion, et elle m’apprenait dans sa langue le nom des saisons, des mois, des fleurs, des oiseaux. Elle était rude et sans bonté, elle rendit notre enfance très malheureuse, mais la piété envers la nature habitait en elle : par son inconsciente action, elle