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LE LIVRE DE MA VIE

Des cloches tintent, le jour baisse,
Voyez, je rêve, je me tais…
C’est sur ce lit que tu jetais
Ton cœur qui crevait de tristesse !
 
Voyez avec quel front pâli,
Dans cette émouvante soirée,
Je suis, — l’âme grave et serrée, —
Venue auprès de votre lit.

Recueillie et silencieuse,
Les deux mains sur votre oreiller,
Les bras ouverts et repliés
Je fus votre sœur amoureuse.
 
Je presse votre ombre sur moi,
Que m’importent ces cent années !
Vous viviez ici vos journées
À la même heure de ce mois.

Il est six heures et demie,
Claude Anet arrose au jardin ;
Vos deux mains, si chaudes soudain,
Sont sur le cou de votre amie.

C’est ici, près de ce muscat,
Dans la douce monotonie,
Que vous grelottiez de génie,
Ô héros lâche et délicat !

L’odeur claire et fraîche en automne
Des dahlias et du raisin,