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LE LIVRE DE MA VIE

le caractère le plus doux et le plus docile, ce que j’avais déjà d’assuré et d’inflexible en moi se refusait à croire M. Dessus, à lui donner raison contre les vocables séduisants. Que l’espérance fût inscrite sur les pierres de la cité ; qu’elle donnât le sentiment de jouer le rôle sacré des commandements sur les Tables de la Loi ; qu’elle incitât les privilégiés à se souvenir de leur chance fortuite et de leurs devoirs ; qu’elle permît aux infortunés de rêver à un vague bonheur équitable, me procurait un contentement et un allégement dont je ne pouvais plus me séparer. C’est ce sentiment puissamment populaire, éprouvé spontanément dès ma petite enfance, qui fit de moi, autant que les paysages de Paris, de l’Ile-de-France et de la Savoie, un être si attaché à sa terre natale. Un sort favorable m’avait dévolu la plus noble patrie de toutes, celle qui travaille pour les autres, s’en rapproche par naturel élan, par volontaire et sage amitié, place sa fierté hors de l’envie, tente d’abolir l’ardeur des antiques rivalités, rédige la convocation de l’amour au fraternel banquet.

Quand le monde aura dénoncé à jamais l’ignominie de la guerre ; quand les mères n’auront pas, pendant des années, dans le souci, l’industrie, la ponctualité, soigné et instruit leur enfant mâle, surveillé ses forces et ses dons d’écolier pour le voir partir vers une mort sans pitié ; quand, enfin, sera