Page:Nodier - Ackermann - Vocabulaire de la langue française.djvu/6

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Le commerce lui rapportait à chacune de ses investigations autant de mots nou* veaux que de produits inconnus. La guerre lui imposait des formes nouvelles, même quand elle ne parvenait pas à lui substituer une langue toute faite, La science passait sur le tout avec ces habiles nomenclatures dans lesquelles elle se complut toujours à envelopper ses secrets.

Cette action progressive ou destructive, comme on voudra l’appeler, l’action irrésistible des temps et des choses, qui change incessamment la première forme donnée du langage , ne peut guère s’exprimer que par des exemples ; et cette nécessité nous fait rentrer naturellement dans notre sujet , en nous ramenant à la langue française en particulier.

Nous accordons volontiers qu’une très-grande partie de cette unité géograhique, fort composée d’ailleurs, qui est aujourd’hui la Franck, a eu pour angue autochthone le celle, gaulois ou breton, et’nous ne connaissons aucune langue congénère à celle-là’ qui paraisse lui disputer, cet avantage. Il ne sera donc pas étonnant qu’on y retrouve un grand nombre de nos radicaux. La conquête romaine (car je ne m’arrête ici qu’aux époques historiques et décisives) produisit une révolution considérable dans les usages de la parole. Le3 Romains, dont l’antipathie pour tout ce qui n’était pas romain forme un des caractères les plus distinctils, avaient dans un profond mépris toutes les langues barbares ; mais le bon sens de cette nation lut faisait sentir l’impossibilité de les détruire. Ils acceptèrent le’ mot en le soumettant à quelques-unes de "leurs flexions et de leurs désinences. Par manière de compensation , ils introduisirent, sans le savoir, dans notre langue naissante, une multitude d’expressions, recommandées par la nécessité ou accréditées par l’euphonie. C’est [probablement ainsi que se forma cette langue intermédiaire qu’on appelle la angue romane , et que M. Raynouard a fixée par d’admirables travaux r mais, qui n’avait jamais fourni avant lui des théories classiques aux- langues nouvelles.* L’invasion franque dut exercer beaucoup moins d’influence. Il était du natu-i rel de ces vainqueurs, qui avaient à peine un langage et des dieux, d’adopteri facilement l’idiome et la religion des pays conquis. Jamais un déluge d’hommes,’ passé à travers les peuples, n’a laissé moins de traces de .son irruption et, de. ses ravages. C’était une matière propre à la civilisation qui se moulait dans la ; nôtre, comme un métal en ébullition qui jaillit de la fournaise en» torrents de feu, sous l’œil impassible d’un ouvrier intelligent. . .• -î D’autres siècles arrivèrent : l’élément latin fut fortifié parles sciences de Charlemagne ; il s’agrandit de règne en règne , jusqu’à ce que dés femmes italiennes,) assises au trône de France, -vinssent l’assouplir, i par* l’exemple de la cour et ; l’obséquieuse, imitation des provinces, à des articulations plus molles ; à des vocalisations sans diphthongues. Le Français abdiqua dès lors, sa belle et sonore gravité ; il sacrifia son énergie à la grâce, et la sacrifia en pure perte, car il fut bien loin de gagner en froide et inexpressive harmonie ce qu’il perdait ,en vi- ! gueur. L’ÉtymoIogie avait déjà péri dans cette prononciation puérile ; M. de Voltaire, à la suite de quelques mauvais grammairiens des deux siècles précédents, la poursuivit jusque dans l’orthographe, qui devait être l’autorité *inva^ riable du mot, et non pas la vague et mobile figure de son émission orale. Telle est cependant chez nous la puissance tyrannique des noms (car il est impossible’ de reconnaître dans l’occasion dont nous parlons la puissance légitime du savoir et de l’esprit), que cette orthographe, tout-à-fait dénuée de raison ortko* graphique, prévalut aux yeux de l’Académie française, et que nous sommes obligés de l’adopter à&xi%y Abrogé de son Dictionnaire. Jamais révolution ne jeta un désordre plus grave que celui-ci dans l’histoire généalogique des étymologies naturelles. Nous venons de voir que les sauvages du Nord eux-mêmes avaient respecté ce qu’un philosophe a détruit. ,

Au milieu des grands mouvements du corps politique, Paction de clergé et d’université, Faction littéraire et technique, allaient toujours eu croissant, et immatriculait le grec dans tous nos titres de langue, le grec qui était devenu naturellement la langue savante d’un peuple dont le r latin était presque devenu la langue vulgaire. Les nomenclatures allèrent plus loin. Elles mirent le grec partout où la facilité de cohérence et de composition qui se trouve entre ses radicaux leur permit de substituer une contraction ? ou, pour parler comme a.