Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/155

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m’être prosterné trois fois et avoir frappé trois fois de ma tête le pavé de son palais, tu vois à tes pieds le malheureux Douban, prince du Fitzistan, chassé de ses États par l’ambition cruelle d’un frère, et qui vient chercher dans les tiens une demeure hospitalière et un tranquille repos. Le Très-Haut me garde pourtant d’aggraver les charges de ton empire des frais d’une hospitalité importune ! J’ai soustrait mes trésors à la rapacité de mes ennemis, et la part que d’affreux malheurs m’ont laissée suffit largement aux besoins d’une existence digne du rang que j’ai tenu dans la Perse. Par un fatal hasard, j’en avois dirigé la plus foible portion par les voies ordinaires, et c’est celle qui m’accompagne aujourd’hui. L’autre, que j’escortois de ma personne dans les routes du désert, m’a été volée par mes esclaves, qui m’ont assassiné et laissé pour mort dans une région éloignée. Miraculeusement sauvé du trépas, j’ai rejoint ce matin la première partie de mon convoi aux portes de Bagdad, et le Tout-Puissant a permis que je reconnusse l’autre dans une caravane voisine, au moment où je venois déposer à tes genoux l’assurance de mon dévouement filial. Celle-là, qui peut dispenser tes peuples du payement d’un impôt rigoureux et difficile à prélever, et qui te fournira de surcroît tout ce qu’il faut d’or pour satisfaire à l’entretien de ta magnificence royale, t’appartiendra sans réserve, si tu daignes en recevoir l’hommage. Il suffira, pour la faire entrer dans ton trésor, que tu m’accordes une troupe de soldats disposés à s’en emparer sous mes ordres, et que tu m’autorises à faire justice de mes assassins. »

« Nous recevons ce que tu nous offres, et nous t’accordons ce que tu nous demandes, repartit le calife ; mais ce n’est point à cela que nous bornerons nos grâces. Il y a trois mois que notre grand visir cherche à remédier aux embarras de l’empire, sans y avoir réussi, tandis que la vivacité de ton intelligence vient de nous