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LE PAYS DES RÊVES.


Je ne suis ni médecin, ni physiologiste, ni philosophe ; et tout ce que je sais de ces hautes sciences peut se réduire à quelques impressions communes qui ne valent pas la peine d’être assujetties à une méthode. Je n’attache pas à celles-ci plus d’importance que n’en mérite le sujet ; et comme c’est matière de rêves, je ne les donne que pour des rêves. Or si ces rêves tiennent quelque place dans la série logique de nos idées, c’est évidemment la dernière. — Ce qu’il y a d’effrayant pour la sagesse de l’homme, c’est que le jour où les rêves les plus fantasques de l’imagination seront pesés dans une sûre balance avec les solutions les plus avérées de la raison, il n’y aura, si elle ne reste égale, qu’un pouvoir incompréhensible et inconnu qui puisse la faire pencher.

Il peut paraître extraordinaire, mais il est certain que le sommeil est non-seulement l’état le plus puissant, mais encore le plus lucide de la pensée, sinon dans les illusions passagères dont il l’enveloppe, du moins dans les perceptions qui en dérivent, et qu’il fait jaillir à son gré de la trame confuse des songes. Les anciens, qui avoient, je crois, peu de choses à nous envier en philosophie expérimentale, figuroient spirituellement ce mys-