Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/357

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sage conseil de ces peuples innocents, on avisa d’envoyer vers l’homme des ambassadeurs choisis parmi les plus intelligents et les plus graves, l’éléphant, le cheval, le bœuf, le faucon et le chien. On chargea ces notables personnages d’offrir au nouveau venu la domination de la moitié du monde, sous la condition qu’il s’y renfermeroit avec sa famille, et qu’il cesseroit d’épouvanter le reste des êtres vivants de son aspect menaçant et de ses sanglantes excursions.

— Qu’il vive, dit le lion, mais qu’il respecte nos droits et notre liberté, s’il ne veut pas que je fasse sur lui, comme il l’a fait sur nous, l’épreuve de mes ongles et de mes dents ! C’est le meilleur parti qu’il puisse prendre, si j’en crois ma force ; car les lâches avantages qu’il a usurpés jusqu’ici reposent sur des artifices indignes du vrai courage.

Et en même temps le lion apprit à rugir, et battit ses flancs de sa queue.

— Il n’y a point d’avantages que nous ne possédions bien mieux, dit la biche. Il s’est vainement fatigué à poursuivre le plus petit de mes faons, celui dont la tête s’élève à peine au-dessus des plus modestes bruyères, et je l’ai vu tomber, haletant et rebuté, après quelques efforts maladroits.

— Je construirai comme lui, quand il me plaira, dit le castor, des maisons et des citadelles.

— Je lui opposerai une cuirasse qui ne redoute pas ses atteintes, dit le rhinocéros.

— J’enlèverois, s’il m’en prenoit envie, ses nouveau-nés dans les bras de leur mère, dit le vautour.

— Il ne me suivra pas dans les eaux, dit l’hippopotame.

— Ni moi dans les airs, dit le roitelet. Je suis foible et petit, mais je vole.

Les ambassadeurs, assurés des dispositions de leurs commettants, se rendirent à la demeure de l’homme