Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/358

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qui les attendoit, et qui s’étoit tenu en mesure de les recevoir.

Il les accueillit avec cette perfidie caressante et fardée qu’on a depuis appelée de la politesse.

Le lendemain, il mit un chaperon au faucon, un mors et une bride au cheval, au bœuf un joug, des ceps à l’éléphant, et il s’occupa de construire sur son dos une tour pour la guerre. C’est ce jour-là que cet exécrable mot fut inventé.

Le chien, qui étoit de son tempérament paresseux, glouton et couard, se coucha aux pieds de l’homme, et lécha indignement la main qui alloit l’enchaîner. L’homme jugea le chien assez méprisable pour le trouver bon à devenir son complice. Mais, comme tout méchant que fût le dernier des animaux créés, il avoit du moins apporté avec lui quelque vague sentiment du bien et du mal, il imprima, au nom de son vil esclave, un sceau éternel d’infamie qui ne s’est effacé dans aucun langage.

Ces conquêtes achevées, il s’enhardit au crime par la facilité de le commettre. Il fit profession de la chasse et de la guerre, inonda du sang des animaux la riante parure des prairies, et n’épargna pas même dans sa rage ses frères et ses enfants. Il avoit travaillé un métal meurtrier qui perçoit et coupoit la chair ; et il lui avoit donné des ailes en le munissant des plumes de l’oiseau. Il ne négligeoit pas, pendant ce temps-là, de s’envelopper de nouvelles forteresses, et les enfants qui sortoient du monstre alloient plus loin construire d’autres villes et porter d’autres ravages.

Et, partout où l’homme arrivoit, la création désolée poussoit des hurlements de douleur.

La matière inorganisée elle-même parut sensible à l’affreuse détresse des créatures. Les éléments se déchaînèrent contre l’homme avec autant de fureur que s’ils avoient pu le connoître. La terre qu’il avoit vue encore si paisible et si magnifique fut incendiée par des feux