Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/59

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pour cela que je sache d’abord à quel jour nous sommes du mois de mai.

— Cela n’est pas difficile, répondit mon père en tirant sa montre à quantièmes. C’est aujourd’hui le quatorze.

— Le quatorze ! dit M. Cazotte : il y a maintenant cent quatre-vingt-deux ans, ni plus ni moins, que le bon roi Henri IV étoit déposé, quelques heures après sa mort, sur ce petit escalier du Louvre que je te faisois voir l’autre jour. Que diriez-vous si je vous racontois, avec autant de netteté que le peut faire un témoin oculaire, des particularités de l’assassinat d’Henri IV qui n’ont jamais été écrites, et sur lesquelles il m’est impossible d’élever le moindre doute ? »

À ces mots, notre petit cercle se rétrécit encore autour de M. Cazotte, et nous attendîmes son récit dans un profond silence.

« Il est vrai, reprit-il, que ces particularités ne sont qu’un épisode inconnu d’une anecdote encore moins connue ; mais je n’ai pas oublié, continua-t-il en souriant, que je vous dois pour cette semaine une histoire que Charles m’a gagnée de plus franc jeu qu’à l’ordinaire, et je suis à un âge où l’on peut craindre de mourir insolvable. Je vous la dirai donc, si votre temps n’est pas autrement employé, et je tâcherai de la rendre courte. »

La proposition de M. Cazotte fut accueillie, comme on peut le penser, avec un vif empressement. Legouvé mit surtout dans ses instances plus d’expansion qu’on ne lui en connaissoit alors, et que n’en promettoit cette raideur un peu janséniste qu’il tenoit de Dieu ou de son père.

— Des particularités inconnues de la mort d’Henri IV ! s’écria-t-il. J’aurai grand plaisir à les apprendre, car ce sujet m’intéresse, et j’ai toujours pensé à en faire une tragédie.

— Une tragédie ? répliqua M. Cazotte. On ne rêve