Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/146

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Mais à part une exagération grotesque dans l’emploi du superlatif et du diminutif inusités, à part l’affectation de l’archaïsme tombé en désuétude ou du néologisme hazardeux, il ne change presque rien au vulgaire. Le Burlesque françois n’est lui-même qu’une imitation du Berniesque, langue ou plutôt style artificiel, qui doit son nom au Berni, et que celui-ci devoit à son tour à quelques latins d’une antiquité fort suspecte, Plaute excepté, dont l’âge est bien authentique.

Il est facile de reconnoître, au premier coup-d’œil, que le Lutrin, quoi qu’on en dise, n’appartient point à cette école, ou plutôt que c’est un burlesque pris à l’inverse, dans lequel l’idée triviale est, au contraire, relevée par la magnificence de l’image et la pompe de la parole. Ces deux genres forment une véritable antithèse, quoiqu’ils reposent, au fond, sur des combinaisons analogues. Dans le Virgile travesti, substituez des gens du peuple aux héros de l’Énéide, et le poème restera bouffon. Dans le Lutrin, substituez Chrysès au chantre, Achille au perruquier, et, sauf quelques détails, le poème deviendra héroïque.

La langue pédantesque touche de près à la langue macaronique, et se confond presque avec elle dans les Epistolœ obscurorum virorum ; mais elle s’en distingue essentiellement en italien et en françois, parce qu’au lieu d’assujettir le mot vulgaire à la phraséologie et à la syntaxe latines, c’est le mot latin qu’elle soumet aux formes du langage vulgaire, comme dans le plaisant discours de cet écolier limousin que Pantagruel rencontra sur le chemin « de l’alme, inclyte et célèbre académie que l’on vocite Lutèce. » Elle tire son sel le plus piquant de l’abus des formules scholastiques et de la profusion des citations. Son usage, fort divertissant dans Rabelais, dans Cyrano, dans Molière, a été souvent pris au sérieux par les demi-