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FIN DE SIÈCLE

« L’idée la plus claire que nous puissions nous former de la dégénérescence de l’espèce humaine, est de nous la représenter comme une déviation maladive d’un type primitif. Cette déviation, si simple qu’on la suppose à son origine, renferme néanmoins des éléments de transmissibilité d’une telle nature, que celui qui en porte le germe devient de plus en plus incapable de remplir sa fonction dans l’humanité, et que le progrès intellectuel déjà enrayé dans sa personne se trouve encore menacé dans celle de ses descendants ».

Quand, sous l’influence de nocivités de toutes sortes, un organisme est affaibli, ses descendants ne sont pas semblables au type sain, normal et évolutif de l’espèce, mais forment une nouvelle sous-variété qui possède, comme toutes les autres, la faculté de léguer à ses propres descendants, à un degré qui s’accroît de plus en plus, ses écarts de la norme, en ce cas pathologiques : arrêts de développement, difformités et vices. Ce qui distingue la dégénérescence de la formation de nouvelles espèces, ou phylogénie, c’est que la variété pathologique ne dure pas et ne se reproduit pas comme celle qui est saine, mais est heureusement bientôt frappée de stérilité et meurt après quelques générations, souvent même avant d’avoir atteint les plus bas degrés de la dégradation organique [1].

La dégénérescence se trahit chez l’homme par certains signes somatiques qu’on nomme « stigmates », mot malheureux, car il part de l’idée fausse que la dégénérescence est nécessairement la conséquence d’une faute,

  1. Morel, op. cit., p. 683.