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Page:Nordau - Dégénérescence, tome 1.djvu/61

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DIAGNOSTIC

pas confondre le mattoïde avec l’homme exceptionnel sain qui ouvre de nouveaux sentiers à l’humanité et la mène à de plus hauts développements. Je ne partage pas l’avis de Lombroso, affirmant que les dégénérés de génie constituent une force propulsive du progrès humain [1]. Ils séduisent et aveuglent, ils exercent malheureusement aussi fréquemment une action profonde, mais celle-ci est toujours néfaste. Si on ne le remarque pas tout de suite, cela apparaît plus tard. Si les contemporains ne le constatent pas, l’historien de la civilisation le montre ultérieurement. Ils dirigent également l’humanité, par des sentiers propres qu’ils ont trouvés eux-mêmes, vers des buts nouveaux, mais ces buts sont des abîmes ou des déserts. Ils sont des guides dans les marécages comme les feux-follets, ou dans la perdition comme le preneur de rats de Hameln. Leur infécondité sinistre est expressément mise en relief par les observateurs. « Ce sont », dit Tarabaud, « des bizarres, des originaux, des déséquilibrés, des incapables ; ce sont de ces individus dont on ne peut pas dire qu’ils ne soient pas intelligents, mais ils ont une intelligence improductive [2] ». « Un caractère commun les unit », écrit Legrain : « la faiblesse du jugement et l’inégal développement des facultés intellectuelles… Les conceptions ne sont jamais élevées, le débile est incapable d’avoir de grandes pensées, des idées fécondes ; ce fait contraste singulièrement avec le développement exagéré de ses facultés imaginatives [3] ». « S’ils sont peintres », lit-on chez Lom-

  1. Nouvelle Revue, 15 juillet 1891.
  2. Tarabaud, Des rapports de la dégénérescence mentale et de l'hystérie. Paris, 1888, p. 12.
  3. Legrain, op. cit., p. 24 et 26.