Page:Nordau - Les mensonges conventionnels de notre civilisation, Alcan, 1897.djvu/14

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dez, de porte en porte : « Le contentement habile-t-il ici ? Êtes-vous tranquilles et heureux ? » Partout on vous répondra : « Cherche plus loin, nous n’avons pas ce dont tu parles ! » Écoutez aux frontières : le vent vous apporte de partout les bruits sinistres de querelles, de combats, de révoltes contre de brutales oppressions.

En Allemagne, le socialisme ronge avidement, de ses dents aiguës, les piliers de l’édifice politique et social ; et ni l’appeau du socialisme d’État ou chrétien, ni les lois d’exception, ni l’état de siège, ni les pouvoirs discrétionnaire de la police ne le détournent un instant de sa silencieuse et souterraine œuvre de destruction. Sous le masque de l’antisémitisme se dissimule un prétexte commode pour la manifestation de passions qui n’oseraient pas se montrer sous leur nom véritable. Chez les pauvres et les ignorants, c’est la haine contre ceux qui possèdent ; chez les usufruitiers de droits féodaux, ce qu’on appelle les classes privilégiées, c’est la crainte de concurrents mieux doués qui pourraient leur ravir influence et puissance ; pour la jeunesse à l’idéalisme confus, c’est une forme exagérée et injuste du patriotisme, la prétention irréalisable non seulement à l’unité politique de l’Allemagne, mais aussi à l’unité ethnique du peuple allemand. Un mal secret, qu’on a signalé cent fois sans pouvoir jamais l’expliquer, chasse tous les mois de leur patrie par delà les mers des milliers d’individus ; des flots d’émigrants, de plus en plus nombreux, se pressent dans les ports de l’Allemagne ; on dirait une redoutable hémorragie du corps national, rebelle à tous les traitements.

Les partis politiques se livrent les uns aux autres une guerre d’extermination ; le moyen âge et la souveraineté monarchique luttent contre le temps moderne et la souveraineté populaire.