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Page:Nordau - Les mensonges conventionnels de notre civilisation, Alcan, 1897.djvu/16

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En Angleterre, on pourrait croire, au premier coup d’œil, à la solidité du sol et à l’intégrité de l’édifice politique. Mais, quand on approche l’oreille contre terre, on sent trembler le sol, on entend des grondements formidables et menaçants ; la solidité des murs, lézardés de toutes parts, est de plus en plus compromise.

L’église, la noblesse de naissance et la noblesse d’argent sont vigoureusement organisées et protègent leurs intérêts, dont elles ont une notion très exacte. La bourgeoisie se soumet docilement aux lois écrites ou non écrites de la classe dominante ; elle feint la piété et s’incline devant un titre ; elle jure qu’il n’y a de convenable que ce qui satisfait les dix mille aristocrates, et que c’est être vulgaire et impardonnable de contrarier leurs privilèges. Mais l’ouvrier, le fermier restent en dehors de cette conjuration ; ils réclament leur part du capital et du sol ; ils fondent des associations de libres-penseurs et de républicains ; ils montrent le poing à la royauté et à l’aristocratie, et celui qui cherche à lire l’avenir non dans le marc de café, comme les vieilles femmes, mais dans les yeux des prolétaires anglais, voit l’orage menaçant. Je ne parle pas de l’Irlande. La révolution économique y a commencé sa marche irrésistible, le meurtre y tient le haut du pavé ; et si le gouvernement anglais n’arrive pas à noyer le peuple dans le sang, il devra permettre à celui qui ne possède rien de s’emparer par la force des biens de celui qui possède ; cet exemple ne trouverait que trop tôt des imitateurs en Angleterre et ailleurs.

En Italie, une royauté mal consolidée se maintient avec peine contre le flot montant du républicanisme. Les journaliers des rizières de la Lombardie et des solitudes marécageuses de la Romagne, secoués par la fièvre et dévorés par la pellagre, émigrent en foule, ou bien, s’ils