désignations ont bien varié ; elles ne font que couvrir un seul et même mal.
Ce mal se trahit dans toutes les manifestations de l’esprit humain. La littérature et l’art, la philosophie et la science positive, la politique et la science économique sont atteints de sa pâleur. Dans la littérature, les premières traces en sont apparues à la fin du siècle précédent. Parmi toutes les productions de l’esprit humain, la littérature est celle où se sont accusés tout d’abord les troubles ou les modifications qu’éprouvait la constitution de l’Humanité. Quand les classes élevées se gorgeaient encore de jouissances et faisaient de l’existence une perpétuelle orgie ; quand la bourgeoisie à courte vue paraissait bêtement satisfaite du cours des choses, Jean-Jacques Rousseau poussa son cri ardent de délivrance ; il déclara la guerre à un présent qui avait pourtant de grands charmes, et il parla avec enthousiasme d’un retour à l’état de nature. Assurément, il n’assimilait pas cet état à la barbarie primitive ; ce n’était dans sa pensée qu’une allégorie, une chose différente de la réalité et qui y ressemblait le moins. Son cri éveilla un écho chez tous ses contemporains, comme une corde mise en vibration fait vibrer les cordes voisines, accordées à l’unisson. Cela prouve que la disposition d’esprit de Rousseau se trouvait au fond de toutes les âmes. Débauchés et bourgeois parlèrent de vivre dans les antiques forêts et dans les solitudes. C’était un plaisant contraste avec la façon dont ils utilisaient pour leurs plaisirs tous les raffinements et tous les vices de cette civilisation tant critiquée.
Les déclamations de Rousseau ont donné directement naissance au romantisme allemand. Celui-ci est une application inconséquente des idées du philosophe, et il n’a pas le courage d’aller jusqu’au bout. Le romantisme ne remonte pas jusqu’à l’époque préhistorique, il s’arrête
